LILY VOGEL, 82 ANS
«Alors Madame, que faisait votre mari?»
Lorsqu’à 25 ans, Lily Vogel entame sa vie amoureuse, une chape de plomb pèse sur les relations homosexuelles. «A l’époque, j’avais des amies lesbiennes mais personne ne parlait de rien. Il fallait être très discrète.» Au travail, elle n’en parle jamais. «J’ai récemment appris que depuis quarante-cinq ans, certains savent que je suis lesbienne mais ne me l’ont jamais dit!», sourit-elle. Elle fait «toujours face à tout», travaille en librairie puis ouvre un bar lesbien à Genève. «Je ne pouvais pas exclure les hommes car la loi l’interdisait, mais ils n’étaient pas bien servis, je peux vous l’assurer», raconte-t-elle. Militante jusqu’au bout des ongles, elle reste très active dans le milieu lesbien jusqu’à ce qu’un cancer la force à ralentir le rythme.
Lily Vogel a alors septante ans, et aucune envie de tout lâcher. «Cela ne fait que cinq ou six mois que je ne sors plus», dit-elle, et elle voit peu d’amies lesbiennes de son âge. «Quand elles sont en couple, les femmes ne mettent généralement plus le nez dehors. C’est peut-être la raison pour laquelle j’en vois si peu.» Et puis, beaucoup de ses amies sont décédées. «C’est une grande souffrance de voir mourir celles qui nous ont accompagnées toute notre vie», dit-elle, le regard grave. Elle qui s’est tellement battue ne voit pas très bien pourquoi le fait d’être lesbienne devrait lui poser problème maintenant. «Je suis moi, je ne me cache pas, mais je ne comprends pas pourquoi je devrais annoncer mes préférences partout où je vais!», lance-t-elle. Ce qui l’ennuie en revanche, ce sont les bavardages entre voisines. «On me demande: alors madame Vogel, votre mari est mort? Qu’est-ce qu’il faisait? Et vos enfants? Je ne dis pas souvent toute la vérité. Refaire mon coming out en permanence, ça m’ennuie.» Tout ce problème d’âge et d’homosexualité ne semble finalement pas trop la toucher. Ce qui la préoccupe, en revanche, c’est de mourir après Nicotine, la petite chienne de sa compagne décédée depuis peu. «Je n’aimerais pas la laisser seule.»
Extrait de 360, le magazine LGBT Suisse
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